Nov / 04

Le miracle chinois est terminé… !

By / Pascal Faccendini /

La Chine a tiré la croissance mondiale durant de nombreuses années. Mais tout indique que sa croissance potentielle va maintenant diminuer, entraînant un ralentissement des échanges mondiaux. De nouveaux pays vont prendre le relais et représentent à leur tour de véritables opportunités d’investissement.


 Nous sommes le 18 janvier 1992 dans la province de Shenzhen, au sud du pays. Deng Xiaoping, face à la foule, prononce un discours qui fera date, et lance à ses auditeurs « médusés » : « il faut prélever les éléments positifs du capitalisme pour édifier le socialisme à la chinoise » et il poursuit avec le devenu très célèbre « enrichissez-vous ! »… Cette politique de réformes et d’ouverture va propulser dans les années suivantes l’économie chinoise sur des taux de croissance dépassant les 10% annuels. Dès 1993, la notion « d’économie socialiste de marché » est inscrite dans la constitution chinoise, confirmant ainsi la fin du socialisme traditionnel chinois développé par Mao Zedong. La Chine peut désormais envisager de reprendre la place qu’elle considère lui revenir de fait, c’est-à-dire, celle de première puissance mondiale.


Elle occupait ce premier rang en 1300. Elle était alors la première puissance économique en termes de revenu par habitant, en déploiement de technologies (pour ne pas dire d’innovations), d’utilisation des ressources naturelles ou encore en termes d’administration capable de gérer un très vaste empire. Mais en 1500, tout s’inverse et l’Europe occidentale supplante la Chine. Elle se referme sur elle-même, développe une vision égocentrique et demeure indifférente aux développements extérieurs. Les élites chinoises n’éprouvent pas réellement de curiosité pour le développement de l’Occident. Une anecdote résume ce point : en 1792, Lord Macartney présente de la part du roi George III de multiples cadeaux, illustrant l’avancée technologique et les « innovations » de l’Occident. La réaction officielle de l’Empereur Qianlong est alors : « nous ne manquons de rien…. Nous n’avons jamais été intéressés par les objets étranges ou ingénieux et ne possédons pas de produits manufacturiers en provenance de votre pays. ». Cette « vision » chinoise profondément enracinée ne permettra pas à la Chine de suivre l’évolution mondiale et provoquera son déclin économique jusque dans les années 1970.


Les années post Deng Xiaoping vont propulser la Chine sur des taux de croissance supérieurs à 10% par an. Le miracle chinois est en marche. Ce vaste pays émergent doit s’équiper et le fait avec une certaine gourmandise pour le plus grand plaisir du commerce mondial, de l’Amérique, de l’Allemagne et bien sûr de Wall Street. Tout est arrimé sur cette nouvelle mondialisation dont la Chine incarne « l’usine du monde ». Hélas, les meilleures choses ont une fin et la Chine est aujourd’hui une économie moderne, qui doit répondre à de nouvelles obligations, notamment l’émancipation de sa classe moyenne.

Par conséquent, le monde et les dirigeants chinois doivent admettre que pour des raisons structurelles, la croissance chinoise va nettement faiblir. La croissance potentielle va se diriger vers 4%, bien en deçà des 6% actuels. Un grand virage a été pris en 2014, à partir du moment où la croissance n’a plus été tirée par les exportations, mais par la demande intérieure. Ce changement notoire a eu de grandes implications pour la Chine, mais également pour la croissance mondiale. La Chine perd des réserves de changes, ralentit la croissance mondiale, et ne finance plus les déficits extérieurs de pays comme les États-Unis. Si l’on considère le poids des importations chinoises dans le commerce mondial, elles occupent une telle proportion que leurs ralentissements provoquent à eux seuls celui des échanges mondiaux que nous observons et dont sont victimes nos économies.


L’aspect démographique participe également au ralentissement de la croissance potentielle. La Chine est aujourd’hui le pays le plus peuplé de la planète, mais pour la première fois depuis 70 ans, sa population a baissé. La politique de l’enfant unique n’a bien sûr rien arrangé, mais c’est surtout l’évolution du coût de la vie qui précipite le pays dans son vieillissement démographique. Face à l’évolution du prix de l’immobilier, de l’éducation ou de la santé…, les jeunes couples préfèrent se concentrer sur leur carrière et écartent la Chine d’un baby-boom tant espéré par les autorités. En conséquence, la population active chinoise diminue fortement, et le pays se dirige vers un vieillissement prématuré. D’ici dix ans, plus d’un quart de la population aura plus de 60 ans. L’emploi augmente encore aujourd’hui, notamment en raison de l’urbanisation du pays, mais la main-d’œuvre qualifiée ne va plus progresser ce qui va participer à conduire la croissance potentielle vers 4%.

Les ambitions de la Chine sont immenses, et elle se trouve maintenant confrontée à une contrainte de temps ; « le temps » que ses concurrents directs intègrent à leur tour l’émergence de leur économie. Il nous semble que ce parcours est déjà largement entrepris notamment par l’Inde qui devrait se révéler dans les années à venir comme l’un des plus grands concurrents de la Chine. L’Afrique aura à son tour une place à prendre, mais vraisemblablement un peu plus tard… À suivre…


© photos : Zhang Kaiyv

Categories : Economie, H, Marché financier
Pascal Faccendini