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L'Inflation est de retour : Pourquoi votre ancienne méthode d'Investissement est périmée (et comment naviguer dans l’investissement maintenant)

  • Photo du rédacteur: Pascal
    Pascal
  • 26 mai
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 mai


Le Calme avant la tempête.

Pendant des années, les investisseurs ont navigué dans des eaux relativement calmes, bercés par une inflation faible, des taux d'intérêt bas et la surperformance quasi ininterrompue des actifs américains, notamment technologiques.

Une "grande modération" qui semblait devoir durer éternellement. Mais voilà, le vent a tourné. Brutalement. Ce que beaucoup ont initialement perçu comme une vaguelette inflationniste post-pandémique se révèle être la crête d'un véritable tsunami structurel. Le "retour de l'inflation", comme le titre sobrement notre document, n'est pas un simple épisode passager. C'est une nouvelle ère. Et si vous pensez encore pouvoir vous fier aux anciennes cartes de navigation de l’investissement, préparez-vous à de sérieuses déconvenues. Le problème fondamental ? L'ancien monde est mort, et le nouveau monde exige une révision complète de nos convictions et de nos portefeuilles.

Ce n'est pas juste une question de chiffres qui grimpent. C'est une "grande rotation" qui s'amorce : moins de titres américains, davantage du reste du monde, et un besoin crucial d'indexer nos investissements à cette inflation tenace. L'inflation américaine, malgré une accalmie passagère à 2,3% en avril, menace de redémarrer et d'entrer dans un cycle haussier de plusieurs années. Oubliez les solutions faciles et les adages boursiers éculés comme "Sell in May and go away". Les grands acteurs, y compris les hedge funds, ont d'ailleurs souvent manqué la récente hausse, et sont tentés de sauter dans le train en marche. Mais le vrai défi n'est pas de surfer une vaguelette, mais de comprendre la marée montante.


Partie 1 : Les cinq piliers inflationnistes (Structurelle, pas Conjoncturelle !)

Oubliez l'idée que cette inflation est un simple hoquet conjoncturel : "l'économie mondiale est entrée dans un nouveau cycle d'inflation depuis 2021 qui s'étendra de longues années pour des raisons structurelles et non conjoncturelles." Cinq forces tectoniques sont à l'œuvre :

  1. La Démographie en Berne : 

    Le vieillissement de la population dans les pays développés se traduit par une réduction du nombre d'épargnants et une pression accrue sur les dépenses sociales. Moins d'épargne, signifie moins de capital disponible pour l'investissement, et donc une pression à la hausse sur son coût.

  2. La Chine change de rôle : 

    Pendant des décennies, la Chine a été le grand déflateur mondial, exportant des biens à bas coût et pesant sur les salaires partout ailleurs. Cette ère est révolue. La Chine cherche désormais à monter en gamme, à développer son marché intérieur et ne peut plus (ou ne veut plus) jouer ce rôle de modérateur salarial mondial. D'ailleurs, si la Chine devient une nation consommatrice, l'inflation mondiale sera davantage poussée à la hausse.

  3. L'Éthique du travail et la productivité en question : 

    Une observation plus controversée, mais qui mérite réflexion : une "diminution de l'éthique du travail" pourrait limiter la croissance de la productivité. Moins de productivité pour une demande constante ou croissante, c'est mécaniquement inflationniste. Ajoutons à cela la pénurie de main-d'œuvre qualifiée qui pourrait empêcher une reprise non inflationniste.

  4. La démondialisation et le retour du "Cher" : 

    Le commerce international, autrefois moteur de baisse des prix grâce à la spécialisation "ricardienne" (chacun produit ce pour quoi il est le meilleur), souffre des crises, des tensions géopolitiques et des tarifs douaniers. Une forme de démondialisation s'installe. Il faudra "ré-installer en Occident des systèmes de production qui s'avéreront plus chers". Pensez aux semi-conducteurs, aux médicaments... Le "made in local" a un coût.

  5. Les secousses géopolitiques : 

    Les changements dictés par la nouvelle stratégie américaine, notamment vis-à-vis de la Chine, réduiront les investissements croisés et la productivité globale. Donald Trump, est présenté comme un "accélérateur de la tendance à la démondialisation", notamment en incitant la Chine à développer sa consommation interne et en orchestrant potentiellement des mouvements sur les prix de l'énergie.

Ce cocktail de facteurs structurels dessine un paysage où l'inflation n'est plus l'exception, mais la norme.


Partie 2 : Le grand chambardement géographique des actifs.

Cette nouvelle donne inflationniste va redessiner la carte mondiale des investissements. La domination américaine, qui a vu ses actions sextupler entre 2009 et 2024 (quand celles du reste du monde ne faisaient que doubler), est remise en question.

  • États-Unis : La Fin de l'Exceptionnalisme ?

    La part des actions américaines dans la capitalisation mondiale, actuellement autour de 70%, pourrait chuter à 40% d'ici 15 ans. Une perte de 4 à 6 points de pourcentage est même envisageable d'ici deux ans ! Les PER (Price Earnings Ratios) élevés des valeurs américaines, notamment technologiques, seront les premières victimes de la hausse des taux. L'apparition de concurrents sérieux (Deepseek a semé le doute sur Nvidia et la tech américaine) et les licenciements dans le secteur (y compris chez Microsoft dans l'IA) signalent une possible érosion. Les droits de douane pèseront aussi davantage sur les États-Unis, qui essaieront de produire localement des biens importés plus chers.

  • Europe : prise en étau.

    Difficile d'imaginer l'Europe s'affranchir de l'inflation américaine, comme l'ont montré les cycles passés (années 70, 2021-22). Les droits de douane, même s'ils ne provoquent pas une récession, augmenteront les prix importés. Les plans de relance, notamment en Allemagne, s'ils comprennent une forte part d'armements, sont par nature inflationnistes (l'armement ne crée pas de capacité de production future désinflationniste). La Suisse, malgré un franc fort, "n'échappera toutefois pas à l'inflation européenne".

  • Japon : le réveil salarial.

    Le Japon, longtemps englué dans la déflation, pourrait contribuer à la reprise de l'inflation via une hausse des salaires, qui nécessitera une hausse des taux. Le yen, actuellement faible, est d'ailleurs vu comme une devise qui "devrait s'envoler", notamment si Donald Trump exige une hausse de la monnaie japonaise dans le cadre de négociations commerciales (attention au yen carry trade)

  • Marchés Émergents : L'aube d'une nouvelle ère ?

    Paradoxalement, c'est peut-être ici que se trouvent les opportunités les plus intéressantes. La tendance y serait "plus désinflationniste" et s'accompagnerait de "taux bas et d'une hausse de la valorisation des actions". Le recul attendu du dollar américain profiterait grandement à ces marchés. On assisterait à une rotation des États-Unis vers le reste du monde, et des valeurs de croissance structurelle vers les titres industriels cycliques. Un dollar plus faible est une aubaine pour les économies asiatiques, atténuant la pression sur leurs devises locales et permettant à leurs banques centrales d'assouplir leur politique si besoin. La volatilité récente du dollar taïwanais (TWD) est un exemple des ajustements en cours, mais la tendance de fond semble être à un affaiblissement du billet vert.


Partie 3 : banques centrales : Pilotes sans boussole face au mur de la dette.

Les banques centrales sont face à une perte de contrôle potentiel. Leur mandat consistant à maintenir l'inflation à 2% peut-il encore tenir ? "Illusoire", car l'inflation naturelle pourrait bien s'établir entre 5% et 6%.

  • Le mur de la dette limite leur action :

    Les taux d'intérêt, autrefois outil principal de pilotage, sont devenus une arme à double tranchant. Baissés à zéro, ils sont inefficaces. Les faire grimper, ils se heurtent au "mur de la dette". Avec des ratios d'endettement public dépassant 100% du PIB au Japon, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Italie et en France, chaque hausse de taux rend le fardeau de la dette plus insupportable. Moody's a d'ailleurs privé la dette américaine de son AAA dernièrement. Une autre réalité fascinante et peu connue : le taux d'intérêt maximum que le gouvernement américain peut supporter a chuté de, 33% dans les années 80 à 4,6% en 2024 (et devrait encore baisser). Or, le taux directeur de la Fed (4,5% au moment de l'écrit) est dangereusement proche de ce maximum, tout en étant inférieur au taux d'équilibre (estimé à 5,0% – le taux qui ne stimule ni ne bride l'économie). La Fed est donc contrainte d'être expansive, car elle ne peut monter les taux sans risquer une crise de la dette, même si l'économie surchauffe. Sa marge de manœuvre est infime.

  • L'Inflation dicte sa loi, les Banquiers centraux suivent :

    Ce ne sont pas eux qui fixent les taux d'intérêt, mais l'inflation. Jerome Powell a pris son temps pour remonter les taux lors de la dernière vague. Demain, l'objectif de la Fed ne sera plus vraiment l'inflation, mais de "fixer le rapport entre la dette et le PIB en essayant d'encadrer une croissance nominale forte.

En clair : laisser filer l'inflation pour éroder la valeur réelle de la dette. Une politique irréaliste si l'on s'en tient à leur mandat officiel, mais peut-être inévitable. C'est l'inverse du "Conundrum" d'Alan Greenspan, qui s’étonnait que les taux restent bas malgré les signes de l'époque (qui étaient structurellement désinflationnistes : géopolitique, démographie, mondialisation, Chine). Aujourd'hui, les banquiers centraux risquent de s’étonner de constater que l'environnement leur est si défavorable.


Partie 4 : Votre nouvelle boîte à outils d'Investisseur : s'adapter.

Alors, concrètement, que faire ? "Il faut être très actif et ne pas adopter une stratégie «Buy and hold»," (c’est-à-dire acheter et conserver). L'inflation est cyclique, progressant par vagues successives. Il faut savoir "sentir correctement le cycle".

  • Les Incontournables :

    o   Acheter de l'Inflation : Matières premières, swaps d'inflation. L'inflation à dix ans estimés à 2,5% est qualifiée de "cadeau" – une opportunité à saisir avant que les marchés ne s'ajustent pleinement.

    o   Rotation géographique et sectorielle : Moins d'actions américaines, davantage du reste du monde (notamment émergents). Moins de croissance, plus de "value" et de titres industriels (les valeurs industrielles allemandes sont jugées attractives pour la réindustrialisation).

    o   Réduire la Duration : les obligations à long terme vont souffrir.

    o   Profiter de la Pentification de la Courbe : les taux longs devraient augmenter plus que les taux courts, ce qui pourrait bénéficier aux banques.

    o   L'Or : Reste une option intéressante.

  • Monnaies : Le Yen en Ligne de Mire.

    "Le yen devrait s'envoler." Un transfert du franc suisse (fort depuis longtemps) vers le yen (faible depuis longtemps) "peut avoir du sens". L'achat de yens permet aussi de se prémunir contre le dénouement du "Carry Trade".

  • La Corrélation Actions/Inflation.

    Elle est inverse durant les périodes d'inflation. Quand l'inflation atteint un pic, les actions rebondissent. Quand l'inflation est au plus bas (avant de repartir), les actions baissent. Nous pourrions voir naître prochainement un marché baissier quand apparaîtront les premiers signes d'un redémarrage de l'inflation aux États-Unis. Cela pourrait faire très mal.

  • Chine : Au-Delà des Infrastructures.

    Il faudra investir dans d'autres domaines que les infrastructures. Peu de valeurs technologiques chinoises étant cotées, on peut s'attendre à de grosses IPO.

  • Énergie : Le Baril n'a pas dit son dernier mot.

    La baisse du pétrole a pu surprendre, mais le maintien du baril au-dessus de 60$ (WTI) malgré un ralentissement conjoncturel est étonnant. L'explication ? Un redéploiement excessif des investissements vers l'électricité au détriment du pétrole. Si une convergence des cycles amène une croissance accrue en Chine, Allemagne et États-Unis, l'offre de pétrole sera-t-elle suffisante ? Probablement pas. "Le baril devrait s'apprécier à terme."


Conclusion : un contexte d’opportunité de « réinvention ».

La "problématique" que soulève notre article n'est pas une simple fluctuation de marché. C'est un changement sismique. L'ère de l'argent facile, de la mondialisation heureuse et de l'inflation maîtrisée est potentiellement terminée. Nous entrons dans un monde plus fragmenté, plus coûteux, et structurellement inflationniste. Les banques centrales, prises au piège par des décennies de politiques accommodantes et « un mur de la dette », ont perdu leur toute-puissance.

Pour l'investisseur, cela signifie que les stratégies passives, l'amour inconditionnel pour la "tech américaine" ou la simple allocation "60/40" sont devenues dangereusement obsolètes. Le "problème" est donc de déconstruire ces anciennes certitudes. Mais chaque problème est une invitation à l'intelligence et à l'adaptation.

La nouvelle carte du monde de l'investissement est en train de se dessiner. Elle valorisera l'agilité, la compréhension profonde des dynamiques structurelles, et une allocation d'actifs audacieuse et diversifiée. Moins d'Amérique, plus de reste du monde, un œil attentif sur les matières premières, une gestion active de la duration, et une capacité à naviguer les cycles inflationnistes seront les clés du succès. Ce n'est pas le moment de "vendre en mai et partir", mais bien de "réfléchir en profondeur et d'agir". La tempête inflationniste est là, mais pour ceux qui sauront ajuster leurs voiles, elle pourrait aussi révéler de nouveaux horizons prometteurs.

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