top of page

La révolution européenne sera bancaire !

  • Photo du rédacteur: Fabienne
    Fabienne
  • 30 juin
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 juil.

Oubliez un instant le bruit assourdissant des supercalculateurs et le battement de cœur de l'intelligence artificielle. Pendant que tous les regards sont tournés vers les géants technologiques américains, une révolution silencieuse, mais puissante, se trame de ce côté de l'Atlantique. Loin des feux de la rampe, le secteur bancaire européen, cet éternel « enfant problématique » des marchés financiers, a non seulement retrouvé des couleurs, mais il est en train de devenir le moteur inattendu de la prochaine décennie européenne.

 

Pour l'investisseur non averti, l'idée peut sembler contre-intuitive, voire hérétique. Les banques européennes ? Celles qui ont incarné la fragilité systémique post-2008, celles qui ont subi une décennie de taux d'intérêt négatifs et un carcan réglementaire asphyxiant ? Oui, précisément celles-là. Et c'est parce que le souvenir de cette époque est encore si vif que l'opportunité actuelle est si grande. Car une transformation profonde est en cours, et le marché n'en a pas encore pris toute la mesure :

  • Les banques et les marchés de capitaux sont vus maintenant comme des outils stratégiques de souveraineté et de prospérité ;

  • La Commission européenne travaille sur une réforme de relance du marché de la titrisation ;

  • Au total nous parlons ici d'un potentiel en faveur des banques et de l’économie européenne de près de 1 000 milliards d'euros. Explication...

 

Secteur bancaire, la grande métamorphose.

Pendant des années, le narratif sur les banques européennes était simple et déprimant. Après la crise financière mondiale, puis la crise des dettes souveraines, puis l'instauration d'une politique monétaire ultra-accommodante, le secteur était à genoux. Les taux négatifs rendaient l'activité de base – prêter de l'argent – quasi-improfitable. Chaque nouveau compte courant ouvert devenait une perte potentielle. La réglementation, bien que nécessaire, a ajouté une couche de complexité et de contraintes en capital, limitant encore la rentabilité. Les investisseurs, échaudés, ont fui, laissant les valorisations à des niveaux que l'on pourrait qualifier de ridicules.

 

Mais, comme souvent en finance, les graines du renouveau germent dans les terres les plus arides. Cette longue traversée du désert a forcé les banques à opérer une mutation radicale. Contraintes et forcées, elles ont renforcé leurs bilans, réduit drastiquement leurs risques, et modernisé leurs modèles d'affaires. Les exigences réglementaires, si douloureuses à court terme, les ont obligées à devenir plus conservatrices, plus efficaces, et à opérer avec des structures de coûts allégées.

 

Par conséquent, ce secteur qui émerge aujourd'hui est méconnaissable. Il est plus robuste et plus résilient que jamais. La preuve en est sa capacité à traverser sans vaciller les crises récentes : ni la pandémie de Covid-19, ni l'effondrement de certaines banques régionales américaines, ni même la crise de Crédit Suisse n'ont réussi à ébranler durablement le système bancaire européen. Il a été testé sous toutes les coutures et il a tenu bon.

 

Cette résilience interne s'est combinée à un changement de paradigme macroéconomique. Le retour de l'inflation, suivi de la normalisation des taux d'intérêt, a été le catalyseur final. Nous sommes sortis de l'anomalie historique des taux négatifs pour entrer dans un contexte que l'on peut qualifier de « normale ». Pour les banques, c'est comme passer d'un désert aride à une plaine fertile. La courbe des taux, qui s'était inversée en 2023 – une situation où prêter à long terme rapporte moins qu'emprunter à court terme, un cauchemar pour un banquier – a retrouvé sa pente naturelle. Le cœur du réacteur bancaire peut à nouveau fonctionner.


La souveraineté comme moteur structurel.

Mais ce redressement n'est pas qu'une simple histoire de taux d'intérêt. Un mouvement bien plus puissant est à l'œuvre sous la surface : la prise de conscience par l'Europe de la nécessité d'affirmer sa souveraineté. Face à un monde qui se fragmente, à un allié américain dont la politique peut être volatile (« America First ») et à des tensions géopolitiques croissantes, l'Europe a compris qu'elle devait prendre son destin en main. Militairement, industriellement, et surtout, financièrement.

 

Par conséquent, nous assistons à la naissance d'une véritable révolution idéologique et réglementaire. Les banques et les marchés de capitaux ne sont plus vus comme une source de risque à contenir, mais comme des outils stratégiques de souveraineté et de prospérité. L'initiative la plus emblématique de ce changement est le projet « d’Union pour l'Épargne et l'Investissement » (UEI), la nouvelle incarnation de l'Union des Marchés de Capitaux.

 

Le constat de départ est simple : l'Europe regorge d'épargne, mais celle-ci est mal employée. Chaque année, environ 1 000 milliards d'euros d'épargne sont générés dans la zone euro. Une part considérable de ce capital fuit vers les États-Unis pour y financer la dette américaine, ou reste investie dans des actifs européens à faible rendement et à faible valeur productive. C'est un gâchis colossal de potentiel.

Pour y remédier, la Commission européenne travaille sur une réforme clé, dont l'impact pourrait être monumental : la relance du marché de la titrisation.

Expliquons ce mécanisme crucial : la titrisation permet à une banque de regrouper un portefeuille de prêts (hypothécaires, aux PME, etc.), de le transformer en un titre financier et de le vendre à des investisseurs (fonds de pension, assureurs). Pourquoi est-ce si important ? Parce qu'en sortant ces prêts de son bilan, la banque libère immédiatement du capital. Du capital qu'elle peut alors utiliser pour accorder de nouveaux prêts et financer de nouveaux projets, relançant ainsi un cercle vertueux pour l'économie.

 

Ce processus, courant aux États-Unis, a été sciemment freiné en Europe par une réglementation excessive post-crise. Le marché européen de la titrisation est ainsi passé d'environ 2 000 milliards d'euros en 2010 à seulement 1 200 milliards aujourd'hui. La Commission a admis avoir exagéré et s'apprête à réformer ce cadre. L'objectif est simple : revenir à la taille de marché de 2010. Le calcul est rapide : cela reviendrait à injecter 800 milliards d'euros de capacité de financement supplémentaire dans l'économie européenne. Un stimulus privé, issu du déblocage de capitaux existants, qui éclipserait de nombreux programmes d'investissement publics.

Et ce n'est pas tout. Selon des estimations, la simplification d'autres règles, notamment pour éviter une "double comptabilisation" des exigences en capital, pourrait libérer 100 milliards d'euros supplémentaires des bilans bancaires. Au total, nous parlons d'un potentiel de près de 1 000 milliards d'euros qui pourraient être réinjectés pour financer la transition verte, la digitalisation et le réarmement de l'Europe.


Une opportunité d'investissement historique.

Mais alors, si les perspectives sont si radieuses, le marché n'a-t-il pas déjà tout anticipé ? Certains cours ont en effet connu un rallye impressionnant. UniCredit a grimpé de plus de 500 % en trois ans. Société Générale a bondi de plus de 80 % depuis le début de l'année. Le secteur bancaire européen dans son ensemble surperforme largement les stars de la "Tech" cette année.

 

Il est crucial de regarder au-delà de ces pourcentages, nous partons d'une base de comparaison extraordinairement basse. En réalité, malgré ces hausses, les valorisations absolues restent exceptionnellement attractives. De nombreuses banques européennes de premier plan se négocient encore avec des ratios cours/bénéfice à un seul chiffre. Elles offrent des rendements totaux aux actionnaires (dividendes et rachats d'actions) qui dépassent souvent les 10 %. Elles se paient à une décote significative par rapport à leur propre moyenne historique, au marché européen global et, bien sûr, à leurs homologues américaines. Cette disparité de valorisation n'a, à nos yeux, plus de sens.

 

Bien sûr, tout n'est pas sans risque. L'incertitude politique demeure, et la sélection active est plus cruciale que jamais. Toutes les banques ne sont pas égales. La qualité du bilan, la discipline dans l'allocation du capital et la clarté de la stratégie sont des différenciateurs déterminants.

 

Nous sommes toutefois convaincus que nous vivons un moment charnière. La convergence d'une résilience interne acquise de haute lutte, d'un environnement de taux enfin favorable et, surtout, d'une volonté politique de faire du secteur financier le bras armé de la souveraineté européenne crée une opportunité d'investissement structurelle.


En résumé.

La révolution en Europe ne sera pas seulement politique ou industrielle. D'ici une décennie, l'Europe bancaire et boursière sera bien plus solide et donnera à l'Europe plus d’autonomie. La révolution sera, avant tout, financière. Et elle ne fait que commencer. À suivre...

bottom of page