Inflation et marchés financiers : une récession annoncée


Depuis plusieurs mois, les places boursières corrigent et il n’est pas certain que nous soyons au bout. Après s’être demandé si l’inflation était conjoncturelle ou structurelle, puis si une stagflation était évitable, tout le monde se demande maintenant si les banques centrales peuvent encore atténuer la hausse des prix ? Le cycle de remontée des taux ne fait que commencer, et la crainte se renforce de voir apparaître une récession. Cette récession, est-elle évitable ? Comment investir dans ce contexte ?

 

L’inflation devient structurelle.

En 2021, tout démontrait que l’inflation était conjoncturelle. C’était le raisonnement des banquiers centraux, qui cherchaient à privilégier la croissance économique. La guerre en Ukraine n’était pas encore là, et l’entreprise de déstabilisation mondiale organisée par la Russie n’était pas encore à l’œuvre.

Ce point est primordial, car il fait la distinction entre ce qui est contrôlable par les banques centrales et ce qui ne l’est pas. Les institutions monétaires peuvent parfaitement ralentir une économie en surchauffe, en freinant la consommation de crédit ou en limitant les pressions salariales. En revanche, elles ne peuvent rien faire pour limiter la hausse du baril de pétrole, alimentée par un manque d’approvisionnement et une consommation en hausse. Elles ne peuvent rien faire face à la hausse du prix des céréales bloquées dans des silos ou des ports en Ukraine.

Dans les salles de marchés, cette distinction est parfaitement appréhendée, et un constat s’impose : une inflation conjoncturelle est désormais structurelle. Cela revient à dire que les hausses des taux vont pouvoir freiner la progression des prix, mais pas la stopper !

 

 

Comment stopper la hausse des prix ?

Mais alors nous sommes piégés par l’inflation ? Oui, car cette inflation provient en partie d’un manque flagrant d’investissements dans les infrastructures physiques et les ressources. Dit autrement, nous avons créé une pénurie qui est partie pour durer un certain temps et que nous payons très cher aujourd’hui.

Par conséquent, ce que les banques centrales ne peuvent pas gérer est en train d’être négocié sur un plan politique (ou géopolitique), afin de trouver les matières premières qui nous manquent.

La hausse des prix est en train de se diffuser partout dans les économies, à des vitesses différentes en fonction des pays et des segments économiques, mais plus rien n’est vraiment épargné. C’est par conséquent un nouveau combat dans lequel nous entrons et que nos responsables politiques et économiques abordent sans avoir de solution idéale à mettre immédiatement en place.

Par conséquent, cette inflation va durer, et va encore se propager !

 

 

Inflation ou récession ?

C’est la question centrale du moment. À ce stade, rien n’indique que nous allons tomber en récession d’ici la fin de l’année. En revanche, tous les regards économiques se tournent avec une certaine anxiété vers 2023.

Il faut bien comprendre que nos économies vont bien, peut-être même un peu trop bien ! Nous entrons dans un « boom économique », porté par des besoins d’investissements colossaux. Le problème, est que ces investissements devront être financés en très grosse partie par des émissions obligataires (d’entreprises et d’États), alors même que l’endettement des pays comme la France ou l’Italie dépasse déjà les 100 % du PIB.

L’inflation, ou plutôt les anticipations d’inflation, font monter les taux obligataires, renforçant le coup du financement de ces futurs investissements (et de notre dette existante). Il devient par conséquent crucial de stopper la hausse des prix et ces anticipations afin de maîtriser le coût de financement des futurs investissements. Quel est donc le bon dosage dans la communication des banques centrales ? Jusqu’où doivent remonter les taux d’intérêt ? Pourrons-nous éviter une récession économique ? C’est tout l’art du pilotage organisé par les institutions monétaires et nos décideurs économiques et politiques. Pour éviter une récession, il va falloir piloter nos économies sur le fil d’un rasoir, ce qui n’est franchement pas gagné d’avance.

 

 

Les banques centrales sur la sellette.

Dans ce contexte les banques centrales sont en première ligne, et il va falloir tout le talent d’un « Mario Draghi » (que nous n’avons plus au sein des institutions monétaires) pour faire revenir le calme sur les marchés financiers. Là encore, c’est loin d’être gagné, car il ne s’agit pas uniquement de la FED ou de la BCE mais de toutes les Banques centrales (occidentales). Elles devraient toutes monter leurs taux, à des vitesses et des niveaux différents. D’ailleurs, les marchés ont été très surpris de constater que la BNS (Banque nationale suisse), à la surprise générale, a monté ses taux de 50 points de base la semaine dernière. Une grande première pour cette institution réputée pour sa très grande stabilité. « Mais alors, si la BNS agit ainsi, c’est que c’est plus grave qu’on ne l’imaginait ! », se disent les opérateurs dans les salles de marchés ! Et c’est ainsi quel a communication prend toute son importance dans cette notion d’anticipation d’inflation.

L’autre point primordial concerne le bon dosage dans la remontée des taux. Les marchés considèrent déjà que les institutions monétaires agissent trop tard, et qu’elles risquent d’amener les taux trop hauts. Il est admis qu’un délai de 9 mois est nécessaire pour qu’une remontée de taux agisse pleinement. Dans ces conditions, adopter le bon dosage s’apparente presque à de la sorcellerie !

 

 

Comment investir dans ce contexte ?

Les marchés considèrent que le second semestre de l’année sera marqué par un ralentissement, mais pas par une récession. L’une des principales raisons réside dans le redémarrage chinois. Il est alimenté par le déconfinement des principales villes et par la position accommodante adoptée par la Chine sur une relance monétaire et économique. La réélection de Xi Jinping à la tête du Parti communiste chinois sera abordée en novembre prochain et n’est pas étrangère à cette position pro-business de la Chine.

Par conséquent, il serait logique d’observer une poursuite de la progression des indices chinois et un rebond de nos places boursières.

Dans ce contexte, et à la vue de la correction très sévère enregistrée par les valeurs technologiques (que l’on méprise un peu hâtivement vis-à-vis de l’inflation), il ne serait pas étonnant d’observer un rebond significatif des meilleurs dossiers technologiques. Cette notion (de meilleurs dossiers) va s’appliquer d’ailleurs sur l’ensemble des actions cotées. Les investisseurs cherchent avant tout des sociétés qui vont s’accommoder d’une période de remontée des taux et d’inflation persistante. Ils vont par conséquent rechercher des valeurs disposant d’une bonne visibilité sur leur trésorerie et sur leur Pricing Power (pouvoir de faire accepter une hausse des prix de vente).

En ce qui concerne les secteurs à privilégier, « les religions » ont tendance à se créer rapidement et à se déconstruire tout aussi rapidement.

Les marchés sont en train de sortir d’une ère « tout technologique » pour basculer dans un monde d’infrastructure, de ressources naturelles et d’énergies renouvelables. On parle maintenant des FAANG 2.0,c’est-à-dire : carburants, aérospatiale, agriculture, nucléaire, énergies renouvelables, métaux et minéraux.

L’avenir est ici, mais là encore une sélection doit être affinée en direction des meilleurs dossiers, les plus hermétiques aux réalités économiques et géopolitiques qui vont continuer de s’imposer aux marchés.

La volatilité des marchés devrait perdurer. Les signes d’apaisement inflationniste devraient produire des rebonds importants. À chacun d’en tirer parti, dans le cadre d’une stratégie défensive ou offensive… À suivre...