Récession, dépression, ralentissement, où allons-nous ?
Face à la progression de l’inflation, les banquiers centraux durcissent les perspectives de hausse des taux. Jusqu’où devront-ils les monter ? Personne ne le sait vraiment, mais tout le monde redoute de revivre la méthode Paul Volcker utilisée durant les années 80. Pourtant, une certitude s’impose : 200 milliards de dollars « cash » sont présents dans les fonds d’investissements. C’est un montant historiquement élevé qui démontre que le marché est allé trop loin dans son pessimisme. Par conséquent, un rebond des marchés semble proche.
Paul Volcker, le grand retour ?
Paul Volcker est l’un des banquiers centraux les plus connus, les plus respectés. En jugulant l’inflation, il a été le personnage clé de la finance mondiale au cours des années 80.
Sa méthode a tout d’abord été largement décriée, mais face au résultat obtenu, il est entré dans les livres d’histoire.
Tout commence le 6 août 1978. Jimmy Carter (Parti démocrate) nomme un républicain à la tête de la Réserve fédérale américaine, un certain Paul Volcker. C’est un fonctionnaire qui vient de passer quatre ans à la tête de la FED de New York. L’inflation est autour de 7 %, et personne ne sait vraiment comment freiner cette hausse des prix. Dès le 6 octobre 1978, la Fed annonce une série de mesures et amorce un tournant historique. Elle brise une vision monétariste, remonte drastiquement les taux d’intérêt afin de dégonfler les masses monétaires et, par effet de ricochet, l’inflation. Les taux directeurs montent fortement, d’abord à 14 %, pour atteindre 17,6 % en 1980 et culminer enfin à 19 % à la fin de l’année 1980.
Il s’ensuit une décrue très nette de l’inflation, qui passe de plus de 12 % en 1980 à 3,6 % en 1982. C’est un succès, et ses innombrables détracteurs sont contraints de reconnaître cette victoire sur l’inflation. Mais le prix à payer pour l’économie américaine est colossal. Une série de récessions s’enchaîne, tout comme la hausse du chômage qui ira culminer à plus de 11 % en 1982. Il faudra attendre 1987 pour le voir retomber à 6 %.
Aujourd’hui, personne ne souhaite revivre ce douloureux épisode de l’histoire économique américaine, et surtout pas Jerome Powell,l’actuel président de la FED. Ce n’est pas un hasard si, lors d’une conférence de presse, il évoque le volet social de son action.
Pour le moment, l’inflation décélère légèrement, mais un dynamisme économique est toujours présent et fait redouter l’obligation d’utiliser la méthode Volcker.
Contexte pour les entreprises
À la suite de la crise des subprimes et essentiellement depuis 2012, les entreprises (dans leur globalité) ont bénéficié de taux d’intérêts très bas leur permettant d’emprunter sans faire progresser leur charge d’intérêts. Depuis 10 ans, l’argent coule à flots, alimente des investissements et la croissance. Le fameux « Whatever it takes » de Mario Draghi, prononcé en 2012 et qui sauva l’euro, est malheureusement révolu.
En juin dernier, la BCE a annoncé devoir sortir du quantitative easing et a commencé à remonter ses taux d’intérêt. Cet état de fait sonne la fin de ce fameux « Quoi qu’il en coûte » et le début de l’augmentation des charges pour les entreprises, alors que l’activité n’a toujours pas véritablement décollé de ses niveaux d’avant Covid.
Cette « Cash Machine » qui a porté les levées de fonds de la tech, les croissances externes, etc., va logiquement commencer à se tarir.
Mais l’entreprise doit se rassurer. Elle doit logiquement être accompagnée par le gouvernement, qui va chercher à préserver la croissance et l’emploi.
Contexte pour les ménages
Les ménages ressentent déjà pleinement les coûts complémentaires qu’engendre l’inflation. Ils risquent d’augmenter encore, notamment sur l’énergie. Même si le déficit budgétaire sera utilisé pour freiner la hausse des coûts induits par l’inflation, le pouvoir d’achat risque de diminuer.
L’immobilier, fréquemment pressenti comme protecteur de l’inflation, ne devrait pas jouer ce rôle dans ce contexte. Les banques freinent la diffusion des crédits immobiliers et la spéculation engendrée parla période post-Covid pourrait retomber.
Mais ici encore, le gouvernement veille et pense à ses électeurs. Le déficit budgétaire va servir à limiter le ressenti de la hausse des prix. Sur 2023 (en l’état des données communiquées), il ne devrait pas y avoir de lourdeurs particulières.
Contextes pour les États
Lourdeur politique, économique, sociale ! La charge sur les ministères et leurs représentants va être considérable !
Depuis le début du conflit en Ukraine, les économistes ont intégré le fait que nous soyons entrés dans une « économie de guerre ». Cela ne signifie pas que nous faisons la guerre, mais que les paramètres économiques sont orientés vers un « effort de guerre ». C’est-à-dire le creusement d’un déficit budgétaire, des taux d’intérêt qui vont monter, mais pas trop et une inflation qui va être limitée, mais seulement limitée. Cette inflation contenue permettra, sur la durée, de résorber une partie des déficits.
Les États vont avoir pour rôle d’accompagner dans le temps cette posture. Ils vont surtout devoir absorber un choc social à partir de 2023, lors notamment de négociations salariales qui promettent d’être fortement animées.
Alors récession, dépression ou simplement ralentissement ?
Tout démontre que nous devrions être confrontés à une récession plus ou moins technique, ou plus ou moins forte en fonction des pays.
Nous ne sommes pas dans les années 80, les critères et les contraintes économiques ou géopolitiques sont totalement différents.
Pourquoi réguler l’inflation maintenant ?
On est d’ailleurs en droit de se demander pourquoi il est aussi nécessaire de faire baisser l’inflation ? Cette dernière représente une ponction sur l’épargne de ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les retraités. Mais la principale raison n’est peut-être pas là. Ces dernières années, le capitalisme a été un peu trop débridé. Il a creusé les inégalités, a provoqué des aigreurs sociales lourdes, n’a pas joué son rôle de régulateur naturel. Il a survalorisé le capital et a évité d’en accroître l’efficacité.
Les banques centrales et les gouvernements souhaitent donc reprendre la main avant que cette dérive ne devienne insurmontable.
Que faire sur nos patrimoines ?
Dans l’immédiat, tout le monde espère que le durcissement monétaire et les très fermes propos des banquiers centraux suffiront à ralentir l’activité économique et, par ricochet, la hausse des prix.
Mais s’ils n’y parviennent pas, comme dans les années 80,le choc sera plus lourd. Nous serions alors contraints d’appliquer des mesures plus « radicales » sur nos patrimoines.
À court terme, et si vous disposez de liquidités, vous allez bientôt pouvoir les utiliser. En effet, il nous semble probable qu’un rebond de forte amplitude va se matérialiser. C’est au-delà de ce fort rebond que les vraies questions vont se poser. Faudra-t-il vendre massivement, ou au contraire accompagner une reprise en devenir ? À suivre…