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Oubliez les Puces, le vrai moteur de la suprématie de l'Intelligence Artificielle est l'Énergie Nucléaire.

  • Photo du rédacteur: Pascal Faccendini
    Pascal Faccendini
  • 21 sept.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 sept.

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On croyait le feuilleton de la rivalité technologique sino-américaine écrit à l'encre des semi-conducteurs. On se trompait. Ou plutôt, on regardait le mauvais chapitre. Car si les puces en sont le cerveau, la véritable colonne vertébrale de l'intelligence artificielle, le nerf de cette nouvelle guerre, c'est l'énergie. Une énergie colossale, stable et bas-carbone. Une énergie que seules les infrastructures nucléaires civiles peuvent aujourd'hui promettre.

La bataille pour la suprématie mondiale de l'IA vient de basculer. Elle quitte les usines aseptisées de Taïwan pour entrer dans le cœur bouillonnant des réacteurs nucléaires. La question n'est plus seulement « qui fabriquera la puce la plus puissante ? » mais bien « qui pourra allumer la lumière pour la faire fonctionner ? ». Et à ce jeu, les cartes sont en train d'être violemment rebattues.


Le paradoxe de l'IA, plus c'est intelligent, plus c'est affamé.

Il faut comprendre la physique du problème. L'intelligence artificielle est un ogre énergétique. Chaque requête sur un modèle de langage avancé, chaque analyse de données massive, chaque phase d'entraînement d'un algorithme consomme une quantité d'électricité qui dépasse l'entendement. Un projet comme le modèle DeepSeek chinois, par exemple, requiert pour chaque étape de calcul autant d'énergie qu'une petite ville.

Cette explosion de la demande est exponentielle. Les data centers, ces nouvelles cathédrales du numérique, poussent comme des champignons aux quatre coins du globe, et leur appétit est insatiable. Face à cette courbe, les énergies renouvelables, malgré leurs progrès indéniables, montrent leurs limites. Elles sont intermittentes, et l'IA, elle, ne dort jamais. Pour alimenter 24h/24 et 7j/7 des infrastructures aussi critiques, il faut une source d'énergie pilotable, dense et décarbonée. Le nom de cette solution est sur toutes les lèvres à Pékin comme dans la Silicon Valley : le nucléaire.

La course à l'IA est donc devenue, par la force des choses, une course à la domination du nucléaire civil.

 

La grande muraille de Chine, une stratégie nucléaire à la vitesse de la lumière.

Et dans cette course, la Chine n'est pas partie pour faire de la figuration. Elle a une longueur d'avance. Tandis que l'Occident débattait, Pékin a agi avec une logique systémique et une force de frappe industrielle redoutable. Le Parti communiste chinois vise à dépasser les États-Unis en termes de capacité nucléaire installée d'ici 2030. Pour y parvenir, la Chine a construit près de 40 nouvelles centrales depuis le début du siècle, quand les États-Unis n'en ont péniblement mis en service que deux.

La stratégie chinoise est double. D'abord, un déploiement massif et rapide. Là où il faut 10 à 12 ans pour obtenir un permis et construire un réacteur aux États-Unis, la Chine boucle le processus en un peu plus de 4 ans. C'est l'efficacité d'une autorité centralisée qui peut, comme le décrivait un dirigeant de CATL, "répartir des équipes de construction dans tout le pays" pour avancer à marche forcée.

Ensuite, l'innovation. La Chine ne se contente pas de copier les technologies existantes. Elle parie sur l'avenir : les petits réacteurs modulaires (SMRs), plus flexibles, et les technologies de 4ᵉ génération comme la filière thorium. Elle intègre cette politique nucléaire à sa stratégie de développement territorial « east-data, west-calculation », utilisant l'atome pour alimenter de gigantesques data centers dans des régions intérieures, auparavant sous-développées. C'est un plan d'une cohérence redoutable : l'énergie pour les données, les données pour l'IA, l'IA pour la puissance.


L'Amérique face à son "moment Spoutnik".

De l'autre côté du Pacifique, l'ambiance est différente. C'est celle d'un géant qui se réveille avec la gueule de bois. Les États-Unis restent le plus grand producteur d'énergie nucléaire au monde, avec près de deux fois plus de réacteurs que la Chine. Ils possèdent aussi 5 à 10 fois plus de data centers. Mais ce leadership est un héritage du passé. Le parc américain est vieillissant, avec des réacteurs construits pour la plupart entre 1970 et 1990.

Pire, le pays souffre d'une fragmentation réglementaire et d'une absence de vision industrielle à long terme. La matrice de règles de la Commission de réglementation nucléaire, vieille de 70 ans, est décrite par les industriels comme un « fardeau déraisonnable » qui a freiné l'innovation. Des technologies de réacteurs rapides, inventées et développées aux États-Unis il y a 80 ans, n'y ont jamais été déployées en service commercial. Aujourd'hui, c'est la Chine qui les perfectionne.

Ce retard a provoqué ce que Pat Schweiger, directeur de la technologie d'Oklo, a appelé un « moment Spoutnik ». Une prise de conscience brutale que l'Amérique est en train de perdre une bataille stratégique qu'elle n'avait même pas vu venir.

  • Quand la Big Tech se met au nucléaire.

    Mais l'Amérique ne serait pas l'Amérique sans sa capacité de rebond, souvent tirée par le secteur privé. Ce ne sont pas les électriciens traditionnels, mais bien les géants de la tech qui sonnent la charge. Nvidia, Google, Microsoft... Tous comprennent que leur avenir dépend d'un approvisionnement énergétique stable et massif. Ils investissent donc massivement dans des startups du nucléaire, qu'il s'agisse de fusion comme Commonwealth Fusion Systems ou de fission de nouvelle génération.

    Cette impulsion privée commence à faire bouger les lignes politiques à Washington. L'administration américaine a récemment pris des mesures pour accélérer les permis de construire de nouveaux réacteurs, y compris les SMRs. L'enjeu est désormais perçu comme une urgence nationale. Mettre sous tension ces centres de données pour « gagner la course à l'IA contre la Chine » est le « prochain projet Manhattan », selon les mots du secrétaire américain à l’Énergie.


Les conséquences de cette nouvelle course à l'atome.

Cette migration du champ de bataille technologique vers l'énergie a des conséquences profondes. La disponibilité d'une énergie fiable et décarbonée devient la condition sine qua non du leadership mondial. Elle dépasse l'enjeu des algorithmes. La souveraineté numérique devient indissociable de la souveraineté énergétique. Et plus précisément, de la souveraineté nucléaire.

Cela redessine aussi la carte des risques. Des experts soulignent que cette double dépendance à l'IA et à l'énergie crée de nouvelles vulnérabilités. Les infrastructures critiques – data centers, réseaux électriques, usines de semi-conducteurs – deviennent des cibles potentielles dans des conflits asymétriques.


L'Uranium, le nouvel or noir de l'ère numérique ?

Qui dit nucléaire, dit uranium. Ce métal, longtemps mal-aimé, redevient une star. La demande explose, tirée par la Chine qui prévoit de construire 150 nouveaux réacteurs d'ici 2035, mais aussi par l'Inde, la Corée du Sud et même des pays européens comme la France qui relancent leurs ambitions. En face, l'offre peine à suivre. Après des années de prix bas post-Fukushima, de nombreuses mines ont ralenti la cadence. Les stocks sont bas.

Ce déséquilibre structurel entre une offre limitée et une demande croissante, exacerbée par les besoins de l'IA, fait flamber les prix. L'uranium, extrait principalement dans un petit nombre de pays stables comme le Canada ou l'Australie, redevient un actif géopolitique de premier plan. Investir dans l'uranium, ce n'est plus seulement parier sur la transition énergétique, c'est aussi parier sur le carburant de l'intelligence artificielle.

 

En conclusion, la compétition sino-américaine est entrée dans une nouvelle dimension. La Chine capitalise sur une génération d'avance dans le déploiement du nucléaire civil, couplé à une stratégie numérique parfaitement intégrée. Les États-Unis, malgré une prise de conscience tardive, tentent de combler l'écart grâce à la puissance de frappe de leur secteur privé et à un sursaut politique. Rien ne garantit que cet écart industriel pourra être comblé à temps. La suprématie pour le siècle à venir ne se jouera pas seulement dans le silicium, mais bien au cœur de l'atome. Le futur de l'intelligence artificielle est en train de s'écrire, et il sera, qu'on le veuille ou non, nucléaire. À suivre...


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