Nouvel ordre mondial, la Chine prend le pouvoir, l'Amérique en sursis.
- Pascal Faccendini

- 3 nov.
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Nous assistons à une véritable tectonique des plaques. Pas celle qui fait trembler la terre, mais celle qui secoue l’économie mondiale. La Chine n'est plus l'atelier du monde à bas coût ; elle est en passe de devenir le nouveau centre de gravité de la puissance globale. Pendant ce temps, l'Amérique, autrefois leader incontesté, semble entrer dans une phase de déclassement accéléré. Ce n'est pas une simple compétition, c'est une véritable substitution de pouvoir qui s'opère, avec pour arbitre une nouvelle monnaie de référence en devenir : le yuan. Dans ce contexte, un indicateur financier, le MSCI Emerging Markets, devient notre boussole pour naviguer dans ce nouveau monde.
La consommation, le nouveau pari chinois pour asseoir sa domination.
Du "Made in China" au "Bought by China".
Le leadership chinois a bien compris une chose : pour être une véritable superpuissance, il ne suffit plus de produire pour les autres. Il faut que sa propre population consomme. Ça devrait être le grand chantier du 15ᵉ plan quinquennal (2026-2030). L'objectif est clair et ambitieux : faire passer la part de la consommation des ménages de près de 40 % du PIB à 50 % d'ici 2035. (Autour de 68% pour les USA et 56% pour la moyenne mondiale en 2025)
On pourrait croire que Pékin ne jure que par ses "nouvelles forces productives", cette course effrénée à la suprématie technologique et industrielle. Ce serait une erreur d'analyse. Les prouesses de la Chine dans la tech sont déjà une évidence. Le véritable défi, celui qui assurera la pérennité de sa croissance, c'est de rééquilibrer son modèle.
Les "quatre uns" de Wen Jiabao, un avertissement toujours d'actualité.
Ce débat n'est pas nouveau. Dès 2007, l'ancien Premier ministre Wen Jiabao tirait la sonnette d'alarme avec ses célèbres "quatre uns" : une économie "instable, déséquilibrée, non coordonnée et non durable". Derrière ces mots se cachait une réalité simple : une dépendance excessive à l'investissement et aux exportations, au détriment du consommateur chinois.
Si la Chine a su gérer l'instabilité, notamment lors de la crise de 2008 ou de la pandémie de COVID-19, le défi de la durabilité reste entier. Pour devenir un "grand pays socialiste moderne", il lui faudra une croissance du PIB réel par habitant de 5,75 % par an entre 2030 et 2049. Un objectif difficile quand on sait que les moteurs traditionnels — l'immobilier et les exportations — sont à bout de souffle. Le secteur immobilier est en crise pour des années, et le protectionnisme mondial menace les exportations. Par élimination, la seule issue est de réveiller l'appétit du consommateur chinois.
Le déclassement américain, une réalité aux multiples visages.
Le glissement de la puissance n'est pas une simple vue de l'esprit. Il est visible, palpable, et s'accélère en 2025. Le déclassement des États-Unis n'est pas seulement économique, il est technologique, stratégique et géopolitique.
La guerre des technologies, la Chine prend la main.
Hier, la Chine copiait. Aujourd'hui, elle innove et, surtout, elle contrôle. Elle a la mainmise sur les terres rares et les matériaux critiques, indispensables aux semi-conducteurs, aux batteries et à l'intelligence artificielle. En restreignant leur exportation, Pékin peut pénaliser directement l'industrie américaine.
Sur le front de l'IA, des entreprises comme DeepSeek rivalisent désormais avec les géants de la Silicon Valley. La Chine domine en matière de brevets sur la gravure fine des puces (<14 nm) et les supercalculateurs. La dépendance américaine aux technologies dont les chaînes de valeur sont contrôlées par la Chine est devenue une vulnérabilité stratégique majeure.
Un rouleau compresseur commercial et financier.
En 2025, les exportations chinoises atteignent des records, dégageant un excédent commercial historique de près de 1 200 milliards de dollars, alors même que la croissance américaine ralentit. Face à cela, la relance d'une guerre commerciale par Washington, avec des droits de douane massifs, ressemble à un combat d'arrière-garde. Pékin riposte, et ce sont les entreprises américaines qui en paient le prix.
Plus grave encore, la Chine se désengage du dollar. Début 2025, les investissements chinois dans la dette américaine sont au plus bas depuis 15 ans. Les grandes banques chinoises se tournent vers le yuan et l'euro, fragilisant la capacité des États-Unis à financer leur déficit sur les marchés mondiaux.
MSCI Emerging Markets, le baromètre de la nouvelle hégémonie.
Dans ce grand basculement, l'indice MSCI Emerging Markets, qui mesure la performance des bourses des pays en développement, devient un indicateur clé. Et ce qu'il nous dit est sans appel.
Une surperformance insolente portée par la Chine.
En 2025, cet indice affiche une performance spectaculaire, bien supérieure à celle des marchés développés comme le MSCI World ou le S&P 500. Au deuxième trimestre 2025, il a progressé de 12,7 %. Cette dynamique est largement portée par le rebond du marché chinois, qui pèse pour environ un tiers de l'indice. La reprise du secteur technologique et la forte croissance des bénéfices des entreprises émergentes expliquent cette envolée.
Des fondamentaux solides.
Plusieurs facteurs soutiennent cette tendance :
Des valorisations attractives : Les actions des pays émergents se paient moins cher. Elles présentent un rabais de 35 % sur le ratio prix/bénéfices par rapport aux actions des pays développés, ce qui attire les investisseurs.
Des politiques monétaires favorables : Contrairement aux pays occidentaux qui luttent contre l'inflation, plusieurs pays émergents ont assoupli leurs politiques monétaires, soutenant ainsi leur économie.
Une nouvelle dynamique sectorielle : Les investisseurs se tournent vers des secteurs porteurs comme la consommation domestique, l'énergie et, bien sûr, les semi-conducteurs, avec des géants comme TSMC à Taïwan ou Samsung en Corée du Sud.
L'indice est donc le reflet financier de cette nouvelle réalité économique : un monde où la croissance et l'innovation se déplacent vers l'Est, avec la Chine comme locomotive, suivie de près par l'Inde et Taïwan.
Conclusion, s'adapter ou subir, le choix de l'Occident.
Le message est clair. La prise de pouvoir de la Chine n'est plus une prédiction, c'est un processus en cours d'accélération. En se concentrant sur le renforcement de sa consommation intérieure, Pékin ne fait que consolider sa position, se rendant moins dépendant des aléas de l'économie mondiale. Le déclassement américain, visible sur les plans technologique, commercial et financier, confirme cette tendance de fond.
Pour les investisseurs comme pour les États, ignorer cette nouvelle carte du monde serait une erreur stratégique. L'évolution du MSCI Emerging Markets n'est pas qu'une ligne sur un graphique financier ; c'est le récit de la bascule du pouvoir économique mondial. L'Occident doit maintenant choisir entre s'adapter à cette nouvelle donne ou subir un déclassement qui pourrait devenir irréversible. La partie d'échecs mondiale ne fait que commencer, mais une chose est sûre : le roi a changé de couleur. À suivre...


