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Pourquoi le Bitcoin baisse ? La guerre ouverte entre Wall Street et les Cryptos fait vaciller le marché.

  • Photo du rédacteur: Pascal Faccendini
    Pascal Faccendini
  • il y a 2 jours
  • 6 min de lecture
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Regardez bien ce qui se passe sur les marchés des cryptomonnaies, car c’est bien plus qu’une simple correction technique : c’est un véritable tremblement de terre. Alors que le Bitcoin avait atteint des sommets vertigineux au début du mois d’octobre, frôlant les 126 000 dollars, le voici qui dévisse brutalement, perdant plus de 33 % de sa valeur pour retomber autour des 85 000 dollars.

Beaucoup d'investisseurs, les yeux rivés sur leurs écrans rouges vifs, se posent la même question : pourquoi une telle chute ? Est-ce la fin du cycle haussier ou une simple prise de respiration ?

Ne vous y trompez pas, ce n'est pas seulement la volatilité habituelle de cet actif numérique qui est en jeu. Ce que nous vivons, c'est une offensive structurelle de la finance traditionnelle contre les nouveaux barons de la crypto. D'un côté, les gardiens du temple comme JP Morgan et MSCI ; de l'autre, les rebelles menés par Michael Saylor et une communauté plus mobilisée que jamais. Décryptage d’un bras de fer qui pourrait redessiner la finance mondiale.


Le détonateur MSCI, quand les indices boursiers font la loi.

Pour comprendre l'origine de cette panique, il faut regarder du côté de la machinerie complexe de la bourse. Tout part d'une annonce, technique en apparence, mais explosive dans ses effets : MSCI, le géant mondial des indices boursiers, envisage de changer les règles du jeu dès janvier 2026.

L'idée ? Exclure purement et simplement de ses indices les entreprises dont plus de 50 % du bilan est constitué de cryptomonnaies.

Cela peut sembler anodin pour le grand public, mais pour les marchés, c'est un coup de massue. Pourquoi ? Parce que des sociétés comme Strategy (MicroStrategy), dirigée par l'emblématique Michael Saylor, ne sont plus jugées sur leur activité opérationnelle, mais sur leur trésorerie en Bitcoin.

Si cette exclusion est confirmée, c'est l'effet domino assuré. Les fonds d'investissement passifs – ces énormes paquebots qui répliquent bêtement les indices – seront obligés, je dis bien obligés, de vendre automatiquement leurs actions Strategy. On parle ici de flux de capitaux colossaux qui se retireraient d'un coup. JP Morgan a chiffré le risque : jusqu'à 8,8 milliards de dollars de sorties potentielles sur les indices larges.

C'est cette perspective de ventes forcées qui tétanise les investisseurs et qui a précipité la chute du cours. Le marché déteste l'incertitude, et MSCI vient de lui en servir une louche généreuse.


JP Morgan dans l’œil du cyclone, le messager pris pour cible.

Dans cette affaire, il y a le décideur, MSCI, et il y a celui qui a relayé la mauvaise nouvelle : JP Morgan. La banque américaine, dirigée par Jamie Dimon, a publié une note de recherche mettant en garde contre ce risque d'exclusion.

La réaction de la communauté crypto ne s'est pas fait attendre, et elle est d'une violence rare. Pour les "Bitcoiners", JP Morgan ne fait pas que de l'analyse : elle orchestre une attaque. C’est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres.

Un appel au boycott historique.

La tension est montée d'un cran ce week-end. Des figures influentes comme Grant Cardone ou Max Keiser ont appelé publiquement à "faire chuter JP Morgan". Cardone a joint le geste à la parole en retirant 20 millions de dollars de ses comptes, accusant la banque de malversations.

Ce mouvement de boycott dépasse le simple coup de gueule sur les réseaux sociaux. Il révèle une fracture idéologique profonde. D'un côté, une banque traditionnelle qui qualifie le Bitcoin d'escroquerie tout en accumulant discrètement de l'exposition via des ETF (plus de 340 millions de dollars selon les derniers rapports) ; de l'autre, une communauté qui se sent trahie et censurée.

Le scandale du "Debanking", l'affaire Jack Mallers

Ce sentiment de persécution n'est pas infondé. L'affaire Jack Mallers, le PDG de Strike, est venue jeter de l'huile sur le feu. Le 23 novembre 2025, il révélait que JP Morgan avait fermé ses comptes personnels et ceux de son père, sans explication claire, invoquant des "activités préoccupantes".

C'est ce qu'on appelle le "debanking" : la fermeture arbitraire de comptes bancaires pour les acteurs de la crypto. C’est une arme redoutable. Si vous ne pouvez plus interagir avec le système bancaire classique pour payer vos salariés ou vos impôts, vous êtes asphyxié. En ciblant les innovateurs, les banques traditionnelles sont accusées d'abuser de leur position dominante pour freiner une concurrence technologique qu'elles ne maîtrisent pas.


La contre-attaque de Michael Saylor, une question de définition.

Au cœur de cette tempête, un homme tient la barre : Michael Saylor. Le fondateur de Strategy (MicroStrategy) est directement visé par la réforme MSCI. Avec près de 650 000 Bitcoins en trésorerie, son entreprise est devenue, de facto, un coffre-fort géant en cryptomonnaies.

Sa défense est habile et mérite qu'on s'y attarde. Saylor affirme que son entreprise n'est « ni un fonds, ni une fiducie, ni une holding », mais une « société de financement structuré adossée au Bitcoin ».

Est-ce une simple pirouette sémantique ? Pas seulement. C'est une bataille pour la légitimité.Si Strategy est considérée comme un fonds passif, elle n'a rien à faire dans le Nasdaq ou le S&P 500 aux côtés d'Apple ou de Microsoft. Mais si, comme le prétend Saylor, elle est une entreprise opérationnelle qui utilise le Bitcoin pour créer de la valeur via de l'ingénierie financière et l'émission d'actions, alors elle a toute sa place.

Le problème, c'est que la finance traditionnelle, incarnée par S&P Global Ratings (qui a noté l'entreprise "B-"), ne sait pas dans quelle case ranger cet ovni financier. Et dans le doute, le réflexe du système est le rejet.


Le contexte Macro, l’effet ciseau.

Mais attention, ne regardons pas le Bitcoin par le seul petit bout de la lorgnette de cette querelle institutionnelle. Si le cours baisse, c'est aussi parce que l'environnement économique global s'assombrit. Le Bitcoin, malgré ses promesses d'or numérique, reste corrélé aux actifs risqués.

L’éclatement de la bulle IA et les taux.

Le marché boursier américain montre des signes de fatigue. Les doutes sur la rentabilité réelle de l'Intelligence Artificielle (IA) commencent à peser lourd. Les investisseurs craignent l'éclatement d'une bulle financière comparable à celle des années 2000. Quand le Nasdaq s'enrhume, le Bitcoin tousse.

Depuis avril, la progression insolente de Wall Street est stoppée net. Les investisseurs, en quête de sécurité, délaissent les actifs volatils. Comme l'explique très bien l'analyste Danni Hewson, la volatilité est dans l'ADN du Bitcoin : en cas de panique, c'est souvent le premier actif que l'on vend pour récupérer du cash.

L’ombre de la guerre commerciale.

Ajoutez à cela la géopolitique. Les déclarations de Donald Trump sur un possible ravivement de la guerre commerciale avec la Chine ont jeté un froid polaire sur les marchés. L'incertitude est le pire ennemi de la prise de risque. Le Bitcoin, qui avait profité d'un narratif de "valeur refuge" contre l'inflation, peine à jouer ce rôle face au risque de récession ou de conflit commercial majeur.


Les Stablecoins, l’autre front de la régulation.

Pendant que le cours du Bitcoin dévisse, une autre menace plane, plus silencieuse mais tout aussi systémique : la régulation des stablecoins. La Banque Centrale Européenne (BCE) vient de tirer la sonnette d'alarme.

Ces cryptomonnaies indexées sur le dollar ou l'euro (comme l'USDT ou l'USDC) pèsent désormais 280 milliards de dollars. La BCE craint que leur adoption massive ne déstabilise le financement des banques. Si les ménages européens se mettent à stocker leur épargne en stablecoins plutôt que sur des livrets bancaires, les banques perdent une ressource vitale.

C'est un aveu de faiblesse fascinant : la BCE reconnaît implicitement que ces actifs sont devenus des concurrents sérieux. Le règlement MICA en Europe tente de mettre des barrières, mais le marché va plus vite que le législateur. Cette pression réglementaire ajoute une couche de nervosité sur un marché déjà fébrile.


Conclusion : Une crise de croissance ou une rupture définitive ?

Alors, que faut-il conclure de cette séquence chaotique ? Le Bitcoin est à la croisée des chemins.

D'un côté, nous avons une adoption institutionnelle qui force le passage. Le fait que Strategy puisse intégrer le S&P 500 (avec 70% de chances selon 10X Research) est historique. Le Bitcoin n'est plus un jouet pour geeks, c'est un actif qui pèse dans les bilans des plus grandes entreprises cotées.

De l'autre, le "système immunitaire" de la finance traditionnelle (MSCI, les banques, les régulateurs) s'active pour rejeter ce corps étranger. L'exclusion des indices et le debanking sont des mesures défensives d'un vieux monde qui craint de perdre le contrôle.

Cette chute des cours est douloureuse, certes. Voir le Bitcoin perdre un tiers de sa valeur en quelques semaines est une épreuve pour les nerfs. Mais c'est peut-être le prix à payer pour cette transition. Nous passons d'une phase de curiosité à une phase de confrontation réelle.

Comme le dit l'adage boursier : "D'abord ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, après ils vous combattent, et enfin, vous gagnez". Nous sommes clairement entrés dans la phase du combat. Et dans ce bras de fer entre la rigidité des indices MSCI et la résilience de la communauté Bitcoin, le vainqueur est encore incertain.

Mais une chose est sûre : à 84 000 dollars ou à 120 000, le Bitcoin est devenu incontournable. Les banques peuvent fermer des comptes, elles ne peuvent pas éteindre la technologie. La volatilité actuelle n'est pas le signe de la mort du Bitcoin, mais plutôt les convulsions d'un système financier en pleine mutation, qui cherche désespérément comment digérer ou « recadrer » cette révolution numérique.

Restez prudents, diversifiez vos investissements, et surtout, ne perdez pas de vue le temps long.

Dans l'histoire de la finance, les bras de fer de cette ampleur accouchent rarement d'un retour au statu quo. À suivre...

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